Le droit du travail n’interdit pas que l’employeur procède à un licenciement avec effet immédiat après avoir au préalable pour le même salarié déjà mis fin au contrat de travail avec préavis. En effet, si au cours du préavis, il s’avère que le salarié commet une faute grave, c’est-à-dire un fait ou une faute qui rend immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail, l’employeur peut à nouveau mettre fin au contrat avec effet immédiat.
Dans un tel cas, il s’agira de deux licenciements qui répondent à deux procédures distinctes. Cette distinction n’est vraisemblablement pas connue de certains employeurs comme le démontre l’arrêt1 analysé en l’espèce.
Dans cette affaire, le salarié embauché en qualité de serrurier et aide poseur par contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 22 mai 2018 a été licencié avec préavis en date du 8 juillet 2019. Le préavis devant débuter le 15 juillet 2019. En date du 12 juillet 2019 il a été licencié pour motif grave, en l’occurrence, l’employeur lui reprochait une absence injustifiée de 4 jours depuis la remise en mains propres de la lettre de licenciement avec préavis.
Le salarié a introduit devant les juridictions du travail, une requête visant à voir déclarer abusifs les deux licenciements intervenus. Le tribunal du travail a déclaré justifié le licenciement avec effet immédiat au motif que le salarié n’a pas rapporté la preuve qu’une dispense de travail lui aurait été accordée oralement par l’employeur de sorte que l’absence injustifiée de 4 jours constitue un motif suffisamment grave dans les circonstances de l’espèce pour entraîner la rupture immédiate du contrat de travail. Cela a été confirmé en instance d’appel.
Quant au licenciement avec préavis, il a été déclaré abusif par le tribunal du travail à défaut pour l’employeur d’avoir communiqué au salarié sur sa demande les motifs du licenciement avec préavis endéans le délai légal d’un mois.
En instance d’appel, l’employeur a estimé : « qu’il était superflu d’adresser les motifs à la base du licenciement avec préavis, alors que la partie appelante a été licenciée pour faute grave avant même l’exécution du préavis le 15 juillet 2019 » et que dès lors « aucun effet du licenciement avec préavis ne s’est trouvé anéanti, car ce dernier n’a justement pas commencé à produire ses effets, de sorte que le licenciement avec effet immédiat a remplacé le licenciement avec préavis. »
La Cour d’appel n’a pas manqué de retorquer à l’employeur que : « Le second licenciement avec effet immédiat ne remplace, ni n’absorbe le premier licenciement avec préavis. En effet les deux actes de résiliation coexistent, ils suivent chacun ses propres règles et peuvent causer des préjudices distincts. Il est à cet égard indifférent que le licenciement avec effet immédiat soit intervenu avant que la période de préavis en rapport avec le premier renvoi ait commencé. »
La Cour d’appel a poursuivi en ces termes : « Un licenciement avec effet immédiat postérieur à un congédiement avec préavis ne dispense pas l’employeur de répondre à une demande de motifs du salarié ayant trait au premier licenciement. Il est constant en cause que [l’employeur] n’a pas répondu à la demande de l’appelant, formulée par lettre recommandée de son mandataire, datée du 25 juillet 2019, de lui communiquer les motifs de son licenciement. […] Il s’ensuit que c’est à juste titre que le tribunal du travail a déclaré abusif le congédiement avec préavis [du salarié] du 8 juillet 2019. »
Le salarié a obtenu la somme de 500 euros à titre de dédommagement du préjudice moral subi en rapport avec le licenciement avec préavis déclaré d’office abusif pour absence de motivation du licenciement. Cette décision permet de rappeler certaines règles essentielles pour les employeurs confrontés à un double licenciement pour un même salarié.
De même, en cas de double licenciement, le salarié licencié avec effet immédiat ne bénéficiera pas de l’indemnité de départ légale calculée en fonction de son ancienneté de service, si le deuxième licenciement (celui avec effet immédiat) a été déclaré régulier. En effet, dans un arrêt du 21 février 2002 (n°25625 du rôle), la Cour d’appel, après avoir déclaré régulier le licenciement avec effet immédiat intervenu en second lieu, a déclaré non-fondée la demande en paiement de l’indemnité de départ par application de l’article 27 (1) alinéa 2 de la loi sur le contrat de travail (aujourd’hui article L. 124-10 (1) alinéa 2 du Code du travail) qui prévoit que : « Le salarié licencié conformément à l’alinéa qui précède [c’est-à-dire pour motifs graves] ne peut faire valoir le droit à l’indemnité de départ visé à l’article L. 124-7. »
Néanmoins, dans une décision récente de la Cour d’appel du 20 janvier 2022 (n°CAL-2021-00030), il en a été décidé autrement. La Cour d’appel a en effet motivé l’octroi de l’indemnité de départ au salarié licencié avec effet immédiat après un premier licenciement avec préavis en ces termes : « Tel que prévu par le tribunal du travail, le droit à l’indemnité de départ prend naissance au moment du licenciement avec préavis et reste acquis même en cas de licenciement avec effet immédiat intervenant par la suite. »
La problématique est rare de sorte qu’il n’existe pas de nombreuses décisions de justice en la matière pour conclure à un courant jurisprudentiel. Cependant face à deux décisions contradictoires, les juridictions du travail ont tendance à appliquer la décision la plus récente.